Chez Balenciaga, de la méditation, des archives réinventées et une mariée en noir

Chez Balenciaga, Demna plonge dans l'histoire pour un collection qui projette la haute couture dans un nouvel espace temps.
BALENCIAGA

Balenciaga crée l'événement de la semaine de la Haute Couture, avec un défilé présenté comme le 53e - ceux de Cristobal Balenciaga compris. Autant dire qu'il fallait s'attendre, et c'est ce qui a eu lieu, à ce remix des inspirations et des temporalités si cher à Demna, le créateur qui préside depuis bientôt dix ans aux destinées de la maison historique de l'avenue George V. C'est d'ailleurs dans les salons, reconstitués à l'identique, que Balenciaga reçoit ses invités, parmi lesquels Nicole Kidman, Isabelle Huppert, Juyeon ou encore Eva Herzigova. Mais ce casting de célébrités est bien la seule chose que Balenciaga fasse comme les autres : pour le reste, tout ressemble à un pied de nez aux conventions du milieu. Le décor? Des murs blancs, point barre. La bande son? Une longue séance de méditation invitant à se relaxer et à trouver le bonheur. Les mannequins? Balenciagesques, c'est-à-dire loin des codes habituels de la jeune fille grande et mince, qui, ici, est aussi un garçon amateur de cette haute couture post-moderne.

Post-moderne, la collection l'est assurément dans les looks, dont les premier passages aux volumes XXL, le visage dissimulé sous d'immenses chapeaux qui évoquent ceux, portées autrefois, par les clientes de Cristobla Balenciaga. Ce sont d'ailleurs les codes chers au grand maître espagnol que Demna travaille cette saison de manière récurrente : la forme cocon (dont la robe de la mariée, nuage couleur de fumée), les manches trois quarts, et les tissus innovants. A son époque, Cristobal Balenciaga avait imaginé avec son fournisseur Gustav Zumsteg le Gazar, cette « soie aussi raide que l’aluminium », dixit Vogue, qui va devenir la matière à sculpter du couturier basque. Aujourd'hui, Demna - accompagné d'une équipe en blouse blanche, que l'on croisait avec plaisir en arrivant au défilé - poursuit cette volonté d'inventer : ici, ce sont des robes en feuille de métal, de la fausse fourrure teinte et assemblée à la main (record pour un manteau, avec 2 mois et demi de travail dans les ateliers), des sacs de plastiques fondus et recyclés avant d'être moulés à même le corps.

Si les silhouettes plairont autant la Gen Z qu'elles perturberont des clientes plus classiques, c'est en regardant de près qu'on aperçoit toute la richesse du travail de broderies de perles noires, les constructions ultra savantes comme cette robe réalisée dans une seule pièce de cuir, sans couture, simplement maintenue par une épingle à nourrice géante. Ce côté couture bousculée - sous-entendu par l'invitation au défilé, un poids de couturière permettant de maintenir le tissu sur le plan de travail - est souligné par une infinité de détails, des gants blancs façon soirée à l'Opéra aux chaussures maxi pointues, aiguisées comme des rasoirs, ou encore ces petites pochettes marquées chacune du numéro du look qu'elles accompagnent. Enfin, les hoodies, les robes recyclées, les t shirt d'inspiration 90's deviennent la trame d'un formidable travail de la main, qu'il s'agisse des perles de verre noir comme des peintures réalisées de manière artisanale, notamment par l'artiste Abdelhak Benallou. À l'heure de l'intelligence artificielle et de la production de masse, Demna chez Balenciaga sait comme personne rappeler ce qu'est la mode : un art toujours dans son temps, qui, derrière ses réalisations spectaculaires, cultive et réinvente des savoir-faire éminemment humains.