Le Canadien a besoin d’un département des gardiens et Carey Price serait parfait pour cela

TORONTO, ONTARIO - AUGUST 21: Goaltender Carey Price #31 and Nick Suzuki #14 prepare to play against the Philadelphia Flyers in Game Six of the Eastern Conference First Round during the 2020 NHL Stanley Cup Playoffs at Scotiabank Arena on August 21, 2020 in Toronto, Ontario. (Photo by Mark Blinch/NHLI via Getty Images)
By Marc Antoine Godin
Jun 2, 2023

Vers la fin du mois d’octobre, Carey Price s’est présenté devant les journalistes et s’est fait demander comment il se sentait face à la perspective d’avoir peut-être disputé son dernier match dans l’uniforme du Canadien de Montréal.

« C’est encore quelque chose que je digère et je ne pense pas l’avoir complètement fait, pour être honnête, avait décrit Price. Il y a des affaires, un espoir improbable qu’un miracle survienne, que je puisse revenir à un certain moment et jouer. J’ai toujours été un optimiste alors je n’abandonne pas, et je n’abandonne certainement pas l’objectif de gagner la Coupe Stanley d’une quelconque façon, peu importe dans quel rôle. »

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C’était la première fois, et peut-être à ce jour la seule, que Price manifestait publiquement son intérêt à rester dans le hockey une fois sa carrière de joueur terminée. Ce jour-là, ce subtil aveu était passé un peu inaperçu au milieu des émotions et des détails liés à sa condition physique, mais ce fut l’une des plus importantes révélations de cette conférence de presse.

Or, il y aurait peut-être moyen pour Price de faire une transition de joueur à dirigeant semblable à celle qu’a fait Roberto Luongo en Floride si, à l’instar des Panthers, le Canadien décidait de mettre sur pied un département des gardiens de but.

À Montréal, l’entraîneur-chef Martin St-Louis évite la majorité des questions concernant ses gardiens et s’en remet à l’expertise d’Éric Raymond, son entraîneur des gardiens. Et au sein de l’état-major, le Canadien compte sur les services de Vincent Riendeau, qui est surtout un recruteur amateur se consacrant aux gardiens, tandis que le dépisteur Neil Little est davantage consulté pour les gardiens au niveau professionnel. Mais aucune autorité sur le sujet ne donne d’orientation ou s’assure que les gens compétents dans le travail des gardiens oeuvrent dans le même sens.

On aurait tort de prendre une telle cohésion pour acquis, car il s’est produit des situations dans la LNH où l’entraîneur des gardiens avait des enseignements contradictoires à ceux de l’entraîneur des gardiens dans la Ligue américaine. Chez le Canadien, de ce qu’on en sait, ce n’est heureusement pas le cas entre Raymond et son homologue du Rocket de Laval, Marco Marciano.

Et si Price devenait cette autorité capable de superviser le développement des gardiens de l’organisation ?

En 2020, les Panthers de la Floride ont innové en mettant sur pied un département d’excellence des gardiens supervisé par Luongo. L’ancien gardien vedette s’est adjoint les services du légendaire François Allaire à titre de consultant, et ce dernier lui fait des recommandations autant en termes de personnel à embaucher que de gardiens à surveiller. L’ancien gardien de la LNH Maxime Ouellet agit aussi à titre de consultant. Les Panthers ont leur entraîneur des gardiens en Floride, ils en ont un autre dans la Ligue américaine (qui est nul autre que Leo Luongo, le frère de Roberto), et ils ont même un entraîneur des gardiens en Europe. Ce groupe de cinq personnes équivaut au nombre de dépisteurs professionnels qu’emploient les Panthers, et cela n’inclut pas les recruteurs dispersés en Amérique et en Europe qui se concentrent sur les gardiens.

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C’est beaucoup de monde.

« Le département des gardiens peut avoir une utilité au niveau des agents libres, au niveau des échanges, mais ce ne sont pas des situations qui arrivent souvent, explique Allaire. Ce qu’on veut surtout créer, c’est essayer d’identifier des individus qui peuvent fonctionner à l’intérieur de notre structure.

« Quand tu repêches quelqu’un, il faut que tout le monde dans l’organisation soit confortable avec, et que lui soit confortable avec la direction que l’équipe veut donner. Il y a eu trop de cas où l’on a vu des gardiens très talentueux qui sont arrivés dans des équipes et que le coaching n’allait pas avec le gardien, que ce soit au niveau technique ou au niveau de la préparation, ou encore au plan philosophique. Ça arrive très souvent. Essayons au moins de réduire au maximum la possibilité qu’un entraîneur reçoive un athlète qui n’est pas compatible avec lui, ou vice-versa. »

Quand ils ont démarré ce département, les Panthers savaient que cinq ou six ans pourraient s’écouler avant qu’ils ne commencent à en voir les dividendes. Car même s’ils peut offrir du soutien aux gardiens déjà en place, c’est le repêchage et le développement des gardiens issus de cette stratégie qui démontreront, une fois qu’ils seront arrivés à maturité, si le département est efficace ou non.

Tout récemment, les Kings de Los Angeles ont nommé Bill Ranford en charge d’un département semblable et Ranford en est pour l’instant à mettre son équipe sur pied. À Montréal, le Canadien avait donné le titre de « directeur des gardiens » à Sean Burke après que l’ancien DG Marc Bergevin eut congédié Stéphane Waite, mais Burke n’a jamais implanté de tel département.

Encore aujourd’hui, la très grande majorité des organisations de la LNH n’ont pas ce genre de structure, mais selon le gardien Jake Allen, la direction qu’ont pris les Panthers et les Kings sera imitée par plusieurs autres.

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« Je pense que ça va assurément changer au cours des cinq ou dix prochaines années, a mentionné Allen vers la fin de la saison. Je pense que la plupart des équipes vont probablement s’y adapter comme la plupart des équipes se sont adaptées aux statistiques avancées et à d’autres choses de ce genre. Ce qui concerne les gardiens ne suit pas aussi rapidement, mais je pense que ça va changer parce qu’il se marque de plus en plus de buts dans la LNH, c’est fou, et je suis sûr que certaines personnes ne sont pas contentes de ça. »

À l’époque où Allaire était l’entraîneur des gardiens de but des Canadiens de Sherbrooke, en 1984, il était le seul de sa profession dans la Ligue américaine. Et lorsqu’il est passé chez le Canadien, en 1985, il n’y avait que trois ou quatre entraîneurs des gardiens à travers la LNH, et pas nécessairement à temps plein. Lui-même faisait la navette entre la LNH et la Ligue américaine, il aidait au développement de gardiens d’âge junior et faisait également du dépistage. La réalité d’il y a presque 40 ans est désormais impensable, et chacune de ces fonctions est susceptible d’être occupée aujourd’hui par une personne différente. Allaire estime qu’à mesure que les équipes mettront sur pied des départements de gardiens, jusqu’à 150 emplois pourraient être créés dans la LNH afin de répondre à ce qui est devenu une nécessité.

Ce n’est pas seulement que les organisations se sont spécialisées dans leurs enseignements et dans les ressources qu’elles offrent aux joueurs; c’est aussi que la LNH traverse une époque où les combinaisons offensives sont de plus en plus dangereuses et où les gardiens doivent se dépasser dans un environnement devenu défavorable.

« Je n’ai jamais vu plus d’attaque, plus d’est-ouest, plus de jeux latéraux, mais on doit s’adapter, avait expliqué Allen au mois de décembre. C’est notre travail. Ça va certainement devenir plus difficile dans les années à venir, mais c’est excitant aussi. Ça vous donne la chance de vous imposer dans les grands moments et sur les gros jeux. Mais je pense que ça a certainement changé un peu la façon dont je définis mon jeu. »

Toute la chaîne de montage dans le développement d’un bon gardien mérite donc d’être revue afin qu’une équipe se donne les meilleures chances de résister à ce sursaut offensif. On entend souvent que « les gardiens c’est du vaudou », et une juste évaluation de leur potentiel avant de les repêcher en est peut-être l’aspect le plus mystérieux.

S’il était en charge d’un tel département, Allen chercherait surtout à recruter les gardiens démontrant le meilleur potentiel brut.

« Je rechercherais beaucoup de talent brut chez un jeune, et une capacité à se développer beaucoup, a suggéré Allen. Un jeune qui n’est pas encore complètement épanoui du point de vue physique et en tant que gardien. J’ai l’impression que plusieurs jeunes très doués et très matures à un jeune âge parfois n’évoluent pas vraiment avec la game à mesure qu’ils vieillissent.

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« Je commencerais avec une base brute, à moins d’avoir un Price, un Vasilevskiy ou un Fleury. Ça c’est une toute autre chose, mais ce n’est pas ce que tu vas aller chercher la plupart du temps. Donc je pense qu’un grand nombre d’attributs physiques bruts, d’un point de vue personnel et en tant que gardien, pourrait être un atout énorme. Ensuite, on doit voir comment on peut développer ce jeune-là. Une grande partie de la question est de savoir avec qui tu vas faire travailler ce jeune-là. Il faut savoir l’entourer des bonnes personnes. Genre, j’ai ce gars-là qui peut faire évoluer le jeune. Qui fait partie de ton petit monde des gardiens est super important aussi. »

La maturité plus tardive des gardiens de but prolonge le nombre d’années avant qu’une organisation soit rassurée dans ses choix au repêchage. Mais ce qui rend l’exercice encore plus difficile, c’est qu’il est très rare qu’une équipe repêche deux gardiens la même année. Allaire soutient que le taux d’échec des gardiens repêchés est de 80%. C’est donc dire qu’en en repêchant un par année en moyenne, il n’y a qu’un gardien aux cinq ans qui aidera une équipe à l’échelle de Ligue nationale.

L’objectif des Panthers, avec leur département des gardiens, est d’en venir à réduire cette marge d’erreur grâce à des décisions plus éclairées et des méthodes de développement plus cohérentes.

Il y a une multitude de questions pertinentes qui émergent en chemin vers cet objectif. Par exemple, étant donné qu’une équipe ne peut pas consacrer à chaque année un choix de première ou de deuxième ronde à la sélection d’un gardien, y a-t-il une manière de déterminer quelle année est la bonne pour choisir un gardien tôt ?

Y a-t-il des stratégies qu’on puisse mettre en place pour optimiser le développement d’un gardien en s’assurant qu’il ne sera pas fait au bénéfice d’une autre équipe ?

Est-ce plus pertinent d’investir chez des gardiens européens ou issus des collèges américains, des gardiens qui peuvent donner aux équipes plus de temps pour évaluer leur progression qu’un gardien du junior canadien forcé d’entrer plus jeune dans les rangs professionnels nord-américains ?

Plus tard, une fois les gardiens prêts à aider à l’échelle de la LNH, les équipes ont de nouvelles questions auxquelles répondre. Les statistiques et les données biométriques peuvent servir de guides, mais quand même : comment la tâche peut-elle être partagée de façon optimale ? Comment gère-t-on le repos des gardiens ?

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En termes d’alignement, si une équipe n’a pas de gardien vedette capable de prendre la part du lion, comment peut-on bâtir une profondeur devant le filet qui va permettre de toujours maintenir un certain niveau de performance et ne pas être vulnérable dès la minute où il y a un blessé ? Y a-t-il lieu de gérer sa formation différemment de façon à pouvoir garder trois gardiens au lieu de deux ?

Toutes ces questions sont susceptibles d’aider une équipe de qualité à ne pas être trahie par le rendement de ses gardiens au moment où ça compte le plus.


Le Canadien ne s’est pas encore doté d’une telle structure, mais le voilà rendu à un moment-clé de sa reconstruction où il doit se doter, que ce soit chez les professionnels ou dans le groupe de gardiens admissibles au repêchage, d’un gardien qu’il pourra identifier comme son numéro un dans cinq ans.

On ne sera guère surpris si le Canadien réclamait un gardien en fin de première ronde ou au début du deuxième tour. Il pourrait aussi aller à contre-courant et choisir un deuxième gardien, entre autres avec l’un de ses nombreux choix de quatrième ronde.

Le CH voudra peut-être être agressif et faire l’acquisition d’un gardien de moins de 25 ans qui lui permettra de ne pas attendre autant d’années avant d’avoir un réel numéro un.

L’état-major prendra les décisions les plus éclairées possible, mais comme la majorité des autres équipes, le Canadien gagnerait à avoir un expert de la position pour donner une orientation claire au développement des gardiens.

C’est là où Price pourrait entrer en jeu et tromper son ennui en aidant le Tricolore d’une nouvelle façon. Il est encore sous contrat pour trois ans, il est payé quoi qu’il advienne, et l’équipe n’aurait pas le droit de lui donner un autre salaire pour faire un autre travail. Mais rien n’interdit un joueur condamné à la liste des blessés à long terme d’occuper un autre rôle au sein de l’organisation qui le paie. Shea Weber a d’ailleurs travaillé brièvement comme recruteur durant ses derniers mois avec le Canadien, et a également collaboré à l’extérieur de la glace avec l’organisation des Golden Knights de Vegas.

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Pour peu qu’il ait envie d’occuper un rôle analogue à celui de Luongo et d’avoir le sentiment de travailler encore pour obtenir son salaire, Price serait la personne indiquée pour lancer un chantier comme celui-là et ainsi continuer à penser au métier de gardien.

Rien de formel n’a été mis en branle entre l’organisation et lui, mais ce ne serait pas surprenant que le Canadien veuille l’impliquer d’une quelconque manière. Et s’il faut croire la volonté de Price de gagner une Coupe Stanley autrement, la perche vaut certainement la peine d’être tendue.

(Photo de Carey Price: Mark Blinch/NHLI via Getty Images)

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